Les oppositions demandent des excuses, des explications, voire une enquête sur Pascale Déry

Des soupçons d’ingérence politique et de conflits d’intérêts planent sur la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.
Photo: Jacques Boissinot Archives La Presse canadienne Des soupçons d’ingérence politique et de conflits d’intérêts planent sur la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.

Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont réclamé mercredi des excuses, des explications — et peut-être une enquête — sur la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, sur laquelle planent des soupçons d’ingérence politique et de conflits d’intérêts.

Le Devoir a rapporté mercredi que le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, dans lequel Mme Déry a été impliquée pendant six ans, a joué un rôle dans le déclenchement d’une enquête ministérielle aux collèges Dawson et Vanier. La ministre a aussi reconnu s’être mêlée du contenu d’un cours au collège Dawson qui portait sur la Palestine.

Son geste a été vivement dénoncé par la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, puis par la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) qui y voit un deuxième exemple d’ingérence politique de la part de l’élue. « À défaut d’un engagement clair à respecter l’autonomie des établissements et la liberté d’enseignement, la question de la capacité de Pascale Déry à continuer d’assumer ses fonctions se posera inévitablement », a fait savoir la FQPPU, en évoquant « une dérive récurrente et inquiétante ».

La ministre avait choqué le milieu de l’enseignement en bloquant la nomination d’une professeure de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) en décembre 2023. « La ministre crée ainsi un dangereux précédent : après l’INRS et Dawson, quel autre établissement ? Après la Palestine, quel autre sujet ? » a ainsi demandé la FQPPU.

Un dossier pour la commissaire à l’éthique ?

À l’Assemblée nationale, les partis d’opposition se sont tous dits inquiets des agissements de la ministre Déry. « C’est une ministre de l’Enseignement supérieur qui va se mêler du contenu d’un cours particulier. Et c’est d’autant plus préoccupant que c’est à la suite d’interventions d’une organisation dont elle était elle-même membre du conseil d’administration précédemment », a résumé le député péquiste Pascal Paradis. Il a dit songer à saisir la commissaire à l’éthique de l’affaire.

« Le premier responsable de l’éthique des membres du cabinet, c’est le premier ministre du Québec. On a hâte de l’entendre, lui, sur cette question-là », a-t-il lancé.

Le député libéral André Fortin a demandé à la ministre d’expliquer les raisons pour lesquelles elle avait fait « une seule intervention sur un seul sujet », en l’occurrence un cours sur la Palestine. « Elle a un rôle, comme ministre de l’Enseignement supérieur, de favoriser en tout temps la liberté académique. Et moi, j’ai toujours pensé qu’à la CAQ [Coalition avenir Québec], c’était quelque chose qui était particulièrement important », a-t-il ajouté.

En chambre, Québec solidaire a déposé une motion qui demandait « que l’Assemblée nationale dénonce toute ingérence politique dans le contenu des cours du réseau collégial québécois ». La motion a été bloquée par la CAQ.

Le député solidaire Alexandre Leduc a parlé d’une « pente glissante » empruntée par la ministre. « Je pense que Mme Déry doit se ressaisir, puis s’excuser d’avoir fait ça et s’engager à ne plus jamais refaire ça », a-t-il dit.

Roberge appuie Déry

Interpellée par les journalistes, Mme Déry n’a pas voulu en dire davantage sur ses gestes. « J’ai répondu à toutes les questions sur ce sujet-là. […] Je ne ferai pas davantage de commentaires, il y a une enquête qui est en cours. Je vais faire mon travail, comme ministre de l’Enseignement supérieur, de garder les campus sains et sécuritaires », a-t-elle souligné.

Lui aussi apostrophé par les médias, le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Jean-François Roberge, a suggéré aux journalistes de consulter le réseau X. « On ne veut pas importer des conflits internationaux ici, au Québec. Les cégeps doivent demeurer des lieux de vivre-ensemble et d’intégration. Ma collègue Pascale Déry a raison de s’inquiéter et de demander des réponses », y a-t-il écrit.

M. Roberge, qui a auparavant fait la promotion d’« une citoyenneté qui laisse place au débat, aux opinions d’autrui, à la confrontation des idées et à la remise en question de toutes nos croyances », n’a pas voulu répondre aux questions des journalistes. La CAQ a fait adopter en 2022 la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire. Celle-ci visait à « favoriser les débats » dans un contexte pédagogique, à empêcher la censure et à permettre l’utilisation de tous les mots, même les plus controversés. La Loi ne s’applique pas dans les cégeps.

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