La Station spatiale internationale doit éviter de plus en plus de débris

Le mois dernier, la Station spatiale internationale a dû utiliser les propulseurs d’un vaisseau spatial amarré pour éviter un débris qui tourne autour du globe depuis que le gouvernement chinois a fait exploser l’un de ses propres satellites lors d’un essai d’armement, il y a près de 18 ans.
Cette manœuvre d’évitement était la deuxième en six jours pour la station spatiale, qui compte à son bord quatre astronautes de la NASA et trois cosmonautes russes. Il s’agit de l’intervalle le plus court jamais observé entre deux actions de ce type, ce qui illustre la lente aggravation du problème des débris spatiaux en orbite. Les débris constituent un problème de plus en plus préoccupant non seulement pour la NASA, mais aussi pour des entreprises telles que SpaceX et OneWeb, qui cherchent à protéger les milliers de petits satellites qu’elles envoient dans l’espace pour fournir un accès à l’Internet à haut débit.
Selon les analystes, le nuage de débris le plus inquiétant provient de Fengyun-1C, un satellite météorologique que le gouvernement chinois a intentionnellement détruit à l’aide d’un missile en 2007. L’explosion à haute altitude a créé environ 3500 débris, selon les données de la Force spatiale américaine ; la plupart d’entre eux sont toujours en orbite. Ils se rapprochent légèrement de l’atmosphère à chaque passage, mais une analyse effectuée peu après l’événement prévoyait qu’il faudrait plus de 100 ans pour que les débris atteignent l’atmosphère et se consument en grande partie.
« Dix ans et demi plus tard, les problèmes persistent, car les débris continuent de pleuvoir », dit Marlon Sorge, directeur du centre d’études sur les débris orbitaux et de rentrée de l’organisme à but non lucratif Aerospace Corporation.
La station spatiale a dû éviter des morceaux de Fengyun-1C à cinq reprises, la première fois au début de 2012 et la dernière fois le 25 novembre, selon la NASA. Ces manœuvres sont de plus en plus fréquentes : la station spatiale en a effectué 15 depuis 2020, contre un peu plus d’une par an en moyenne au cours des deux décennies précédentes.
L’intervalle de six jours du mois dernier n’est « qu’une fluctuation statistique », affirme Jonathan McDowell, astrophysicien à Harvard, « mais il est vrai que le problème s’aggrave lentement ».
Dans un communiqué, la NASA a souligné que ses astronautes n’ont jamais été en danger, précisant qu’une collision aurait été loin d’être assurée même si la station ne s’était pas éloignée des débris.
La station spatiale est « le vaisseau spatial le plus lourdement blindé qui ait jamais volé », a déclaré la NASA. Mais elle se déplace autour de la Terre à une vitesse constante de plus de 27 360 km/h, ce qui signifie que même un petit objet pourrait causer de graves dommages. En 2021, les astronautes de la station ont dû se réfugier dans des vaisseaux spatiaux voisins après que la Russie eut détruit l’un de ses satellites avec un missile terrestre dans le cadre d’un essai d’armement.
Pam Melroy, administratrice adjointe de la NASA, a déclaré que l’agence voulait « s’assurer que l’espace continue d’être accessible à tous », en partie grâce à des opérations spatiales responsables et à des analyses techniques.
Traquer les déchets spatiaux
La dernière manœuvre d’évitement de la station spatiale a commencé par un avertissement de la Force spatiale. Un réseau de télescopes, de radars et d’autres capteurs au sol et dans l’espace avait détecté un fragment de moins de 10 cm qui se dirigeait vers le périmètre de sécurité de 24 km sur 3 km autour de la station spatiale.
La politique de la NASA consiste à déplacer la station spatiale si elle estime que la probabilité d’une collision est d’au moins 1 sur 100 000. Un directeur de vol à Houston a donc consulté l’agence spatiale russe, averti les astronautes à bord et décidé que le vaisseau Progress 89, de fabrication russe, allumerait ses propulseurs pendant environ trois minutes et demie.
La Force spatiale a envoyé environ 700 « notifications de conjonction » le mois dernier, selon Erin Leon, directrice des affaires publiques de la Force spatiale, soit environ 23 par jour. Il y a cinq ans, lorsqu’il y avait moins d’objets en orbite, le département de la défense n’en envoyait qu’environ six par jour.
L’agence suit environ 47 200 objets en orbite, ce qui représente une augmentation de 14 % depuis la fin de l’année 2021, et deux fois plus qu’en 2016. En date de la mi-décembre, il y avait eu 11 autres « événements causant des débris » cette année, dit Erin Leon.
Les opérateurs de satellites s’appuient sur ces informations pour déterminer s’ils doivent s’écarter de la trajectoire. SpaceX a indiqué que ses satellites Starlink étaient équipés de propulseurs capables de s’éloigner automatiquement d’un danger.
Alors que de nombreux opérateurs de satellites fournissent au gouvernement des informations préalables sur le lieu, la date et le nombre de satellites qui seront mis en orbite, la Chine et la Russie ne transmettent généralement pas les détails de leurs lancements de satellites au gouvernement américain, selon M. Sorge et d’autres personnes familières avec le système de notification de la Force spatiale.
Cette réticence peut poser des problèmes, a déclaré Gwynne Shotwell, présidente de SpaceX, lors d’une discussion la semaine dernière au Centre d’études stratégiques et internationales. « Si vous ne savez pas où les objets sont déposés, vous ne savez pas comment prédire s’il y a collision ou non, ni si vous devez vous écarter du chemin », a-t-elle déclaré.
Un rappel à l’ordre
Les analystes décrivent l’explosion de Fengyun-1C en 2007 comme un événement décisif qui a incité les nations concurrentes à faire la démonstration de leurs propres armes spatiales.
Elle a été suivie l’année suivante par l’opération « Burnt Frost » de l’armée américaine, au cours de laquelle un navire de guerre a tiré depuis l’océan Pacifique un missile qui a détruit un ancien satellite-espion américain qui était sur le point de rentrer dans l’atmosphère. Le gouvernement indien a effectué son propre test, baptisé « Mission Shakti », en 2019, et l’armée russe a détruit un de ses propres satellites à la fin de l’année 2021. Tous ces événements se sont produits à des altitudes beaucoup plus basses, laissant moins de débris.
Le test chinois de Fengyun-1C « a vraiment été un signal d’alarme pour les États-Unis en ce qui concerne la capacité croissante de la Chine à contester l’avantage spatial américain », dit Kari Bingen, ancienne sous-secrétaire d’État américain à la défense.
Depuis lors, les États-Unis et les pays alliés se sont engagés à ne plus procéder à de tels essais à l’avenir, mais la Chine et la Russie n’ont pas fait de promesse en ce sens, indique Mme Bingen. La Chine, ajoute-t-elle, considère largement les débris spatiaux comme un problème américain.
Liu Pengyu, porte-parole de l’ambassade de Chine à Washington, a dit que la Chine attachait une grande importance à la réduction des débris spatiaux et qu’elle s’acquittait activement de ses obligations internationales en la matière. Cela comprend la réglementation de ses propres activités spatiales et l’obligation pour les satellites et les lanceurs de prendre des mesures pour réduire les débris éventuels, a déclaré M. Pengyu dans un courriel.
« La Chine a toujours mené des activités d’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique conformément au droit international et aux pratiques internationales », a ajouté M. Pengyu.
L’un des pires scénarios possible est le « syndrome de Kessler », dans lequel une explosion particulièrement grave en orbite terrestre basse pourrait créer une réaction en chaîne, les débris se multipliant à chaque collision ultérieure. Selon M. Sorge, de l’Aerospace Corporation, ce phénomène ne constituerait pas une menace directe pour la vie, mais il mettrait en péril les formations de satellites qui sous-tendent la sécurité nationale des États-Unis et les activités des entreprises et des particuliers sur l’Internet.
L’essai d’armes effectué par la Chine en 2007 a causé des problèmes dans l’espace qui persistent « plus de dix ans après l’événement », rappelle M. Sorge, ce qui en fait « un exemple très parlant de ce qu’il ne faut pas faire, et pourquoi il ne faut pas le faire ».