Ottawa prié de traiter plus vite les permis des Ukrainiens

Des ressortissants ukrainiens à leur arrivée au Québec, en mai 2022
Photo: Graham Hughes Archives La Presse canadienne Des ressortissants ukrainiens à leur arrivée au Québec, en mai 2022

Des députés de Québec solidaire exhortent le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, à accélérer le traitement du renouvellement des visas des Ukrainiens. Plusieurs sont toujours dans les limbes après avoir déposé une demande de renouvellement de leur permis de travail, ce qui met en péril la couverture de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) que le gouvernement québécois leur a consentie.

À l’automne dernier, après une vague de mobilisation en faveur des Ukrainiens, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a décidé de prolonger jusqu’au 31 mars 2028 la couverture de la RAMQ pour les Ukrainiens arrivés au Québec en 2022 avec l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU). Or, une « importante ombre au tableau » demeure, écrivent deux députés de Québec solidaire dans une lettre adressée à Marc Miller dont Le Devoir a obtenu copie. La prolongation de l’admissibilité à l’assurance maladie du Québec est uniquement offerte à celles et ceux qui ont un permis de travail valide.

Sur le site d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), les délais de traitement pour le renouvellement de ce permis sont de quatre mois (120 jours). Québec solidaire dit toutefois observer que ces délais sont dépassés dans de nombreux cas dans ses circonscriptions, allant parfois jusqu’à huit mois. « Ces délais placent plusieurs personnes vulnérables dans des situations précaires », lit-on dans la lettre. Certaines personnes aux prises avec des maladies chroniques ou des aînés plus enclins à avoir des soucis de santé sont particulièrement à risque.

Selon Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole solidaire en matière d’immigration, il y a une urgence d’agir pour régler le cas des Ukrainiens. « Québec l’a compris en leur redonnant la RAMQ, ce qui est déjà un morceau important, alors j’ai aujourd’hui beaucoup de misère à comprendre pourquoi Ottawa n’a pas saisi la même urgence », a-t-il déclaré.

En entrevue au Devoir, le ministre Marc Miller a d’emblée voulu insister sur une chose : aucun renouvellement de masse ne sera fait pour les Ukrainiens. « Ce qu’on voit publiquement, c’est un lobby par le Congrès ukrainien pour qu’on renouvelle en masse tous les permis, ce que je ne ferai pas, a-t-il mentionné. Ce qu’on demande aux gens, c’est de renouveler en bonne et due forme, comme tout le monde, [le permis] temporaire, ce que j’estime raisonnable. » Sans avoir les chiffres exacts, il rappelle qu’environ 300 000 Ukrainiens sont arrivés ici depuis que la guerre a commencé.

Il n’en demeure pas moins que les Ukrainiens qui ont fait une demande individuelle de renouvellement de leur permis sont nombreux à ne pas l’avoir reçu. Marc Miller dit comprendre les inquiétudes, mais assure que les personnes qui sont dans l’attente de leur nouveau permis ont un statut implicite, qui leur permet de continuer à travailler. « J’essaie de m’assurer que [mon ministère] va le plus vite possible et je ne pense pas qu’il y a des craintes là-dessus, a-t-il dit. Je ne suis pas à la veille de renvoyer des gens en Ukraine. » Selon lui, les délais ne s’expliquent pas par un manque d’effectifs. « Je ne pense pas qu’il y ait de problème avec ça. » Parfois, les délais sont dus à la difficulté pour les personnes de soumettre les documents exigés par IRCC, a-t-il laissé entendre.

Informé que cela met en péril la couverture de la RAMQ, Marc Miller rétorque que toute personne qui paie ses impôts dans une province devrait avoir droit à des soins de santé. « Il me semble que c’est une évidence », a-t-il dit.

Diabétique sans RAMQ

Anna Dzhenkova, une Canadienne d’origine ukrainienne, s’inquiète pour ses parents sexagénaires, qui sont arrivés ici au début de la guerre, en mars 2022. Cela fait maintenant plus de sept mois qu’ils attendent leur nouveau permis de travail et ils craignent d’être privés de la couverture médicale lorsque leur permis viendra à échéance d’ici un mois. « Mon père est diabétique, explique Anna Dzhenkova. Il ne peut pas vivre sans insuline. » Elle ne peut imaginer que ses parents soient obligés de retourner en Ukraine pour avoir des soins. « C’est IRCC qui ne nous donne pas le permis de travail. Mais en même temps, la RAMQ pourrait être plus flexible. Elle pourrait donner des cartes temporaires », avance-t-elle. Elle déplore également la difficulté d’obtenir de l’information de l’une ou l’autre des organisations.

Le député de Rosemont, Vincent Marissal, rappelle pour sa part la « responsabilité morale » que le Canada a à l’endroit des Ukrainiens. « On a accueilli ces gens-là dans des circonstances exceptionnelles. On leur a donné un statut hors du cadre et ils s’intègrent bien, ils apprennent le français, travaillent, et certaines femmes ont même accouché ici. On a une responsabilité au-delà de la bureaucratie de l’immigration », a-t-il soutenu.

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