Québec veut qu’Ottawa aide à régler la «crise» en culture

Le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe, reproche au gouvernement fédéral d’en faire trop peu pour régler ce qu’il qualifie maintenant de « crise » dans le milieu des arts.
En entrevue avec Le Devoir mercredi, M. Lacombe a de nouveau abordé les demandes de financement grandissantes en provenance du milieu artistique. Depuis octobre, le Front commun pour les arts exhorte le gouvernement provincial à délier les cordons de sa bourse pour porter à 200 millions de dollars les crédits du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et « systématiser l’indexation » de ses programmes.
Bien qu’il continue de répéter que les budgets du CALQ ont augmenté de 35 % depuis l’arrivée au pouvoir de son gouvernement, le ministre Lacombe admet que les temps sont durs pour les artistes.
« Est-ce qu’on vit actuellement une crise dans le milieu culturel ? J’ai envie de dire : probablement que oui. En tout cas, ce que je sais, c’est que c’est un moment qui est difficile », convient l’élu caquiste depuis Paris, où il mène une mission sur la découvrabilité des contenus culturels francophones.
« Désengagement » fédéral
M. Lacombe dit « tout à fait » comprendre les défis auxquels faire face le milieu culturel, mais ne peut s’empêcher de critiquer à travers tout cela le « désengagement » du fédéral en matière de culture — qui contribue tout autant à la crise actuelle, selon lui.
« Je me permets de vous dire de façon éditoriale que le gouvernement fédéral, actuellement, a bien peu de pression, je trouve, à la fois du milieu culturel et des journalistes, alors qu’il se désengage et [nous dit] à mots couverts qu’il préfère investir ailleurs qu’au Québec », peste le ministre.
En 2023-2024, le programme Explorer et créer du Conseil des arts du Canada, une société d’État fédérale, a retenu 733 projets sur 4488 demandes en provenance du Québec, un taux de succès d’environ 16 %. C’est beaucoup trop peu, selon M. Lacombe, qui demande qu’Ottawa se penche tout au moins sur les demandes de revenu de base garanti pour les artistes formulées depuis plusieurs années par le milieu.
« En ce moment, avec le désengagement du gouvernement fédéral au Québec par le biais du Conseil des arts du Canada, je pense que le gouvernement fédéral pourrait assumer ses responsabilités dans cette portion-là du dossier », a-t-il lancé.
Un budget crucial
Directrice générale de l’Association RIDEAU, qui représente les diffuseurs de spectacle, Julie-Anne Richard suggère au ministre Lacombe de porter attention aux demandes financières du Front commun pour les arts, dont son organisme fait partie.
Elle a encerclé sur son calendrier le jour de la présentation du prochain budget du ministre des Finances, Eric Girard. « Je suis contente que M. Lacombe reconnaisse qu’il y a une crise, mais c’est sûr que le vrai test, ça va être le budget, pour voir à quel point le sentiment d’urgence a percolé. Pour l’instant, on ne peut pas dire qu’on n’a pas eu d’écoute de la part du cabinet du ministre. Maintenant, il faut aussi que le geste se joigne à la parole. »
Sans critiquer le choix du ministre d’être allé en Europe pour discuter de la place de la culture francophone dans l’univers numérique, Mme Richard invite le ministre à tendre l’oreille au secteur des arts vivants d’ici. « Il est très préoccupé par le numérique et la découvrabilité des contenus, mais il va falloir qu’il continue d’y en avoir, des contenus. »
La présidente de l’Union des artistes, Tania Kontoyanni, invite aussi le gouvernement à ne pas se contredire dans son prochain budget. « Pour moi, le dépôt du projet de loi du ministre [Jean-François] Roberge sur l’intégration me donne énormément d’espoir », dit-elle en référence au texte législatif caquiste déposé il y a deux semaines pour protéger la « culture commune » québécoise. « On a assez d’expérience au Québec pour savoir que promouvoir la culture commune auprès des nouveaux arrivants sans les artistes, ça ne se fait pas. »
Mercredi, au parlement, le gouvernement caquiste a refusé de débattre d’une motion du Parti québécois exigeant des États généraux sur la culture et demandant « que l’Assemblée nationale salue la mobilisation du milieu culturel et reconnaisse la nécessité de soutenir nos artistes, producteurs et diffuseurs partout sur le territoire ».