Montréal, je t’aime

Qu’est-ce qui fait le charme de Montréal ? Des dizaines de lecteurs ont répondu à l’appel à tous lancé par Le Devoir. Le mont Royal, les parcs, l’accès au fleuve, la vie culturelle foisonnante, la gastronomie… Au-delà des cônes orange, de la saleté et de la crise du logement et de l’itinérance, il existe 1001 raisons d’aimer la métropole. Tour d’horizon d’une histoire d’amour qui dure depuis 382 ans.
« Lâchez votre auto et vous verrez qu’il y a autre chose que les cônes orange à Montréal ! » lance Denise Campillo.
Cette traductrice à la retraite partage son temps entre la métropole et la campagne. Née en Algérie, établie en France, déménagée à Ottawa puis à Montréal, elle adore sa ville d’adoption. Pour l’apprécier vraiment, il faut marcher Montréal, la humer, l’explorer, explique-t-elle. Lentement.
« Elle nous offre un éventail d’humanité ; se promener dans les rues, c’est voir le monde venir à soi, avec le sourire. Elle garde sa modestie, son caractère bon enfant ; elle nous laisse découvrir, à notre rythme, ses ressources et ses trésors cachés », dit-elle.
Denise Campillo aime observer sa ville avec les yeux d’une touriste. Le campus de l’Université McGill, la sculpture monumentale à l’entrée du centre-ville par le boulevard Robert-Bourassa, Habitat 67, les navettes fluviales, la verdure, la gastronomie, la Grande Bibliothèque : « Je me sens bien ici. Ma mère disait : “Quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a.” J’aime Montréal. »
Les admirateurs de la métropole décrivent une ville « vibrante », à échelle humaine, où la diversité culturelle est une richesse, où l’on se sent en relative sécurité, et où la solidarité règne entre voisins. Une ville imparfaite où la misère grandit, où les prix des logements explosent, où le français peine parfois à trouver sa place. Mais une ville où il fait bon vivre.
Les lecteurs qui nous ont fait part de leur amour pour Montréal insistent tous sur l’importance de parcourir la ville autrement qu’en voiture. La plupart ont une auto — pour faire les courses ou pour sortir de la ville —, mais ils se déplacent généralement à pied, en bus, en métro ou à vélo pour leurs sorties dans l’île. Pas mal plus agréable qu’en char, avec les chantiers de voirie qui se multiplient partout.

« Se déplacer en métro est un plaisir. On va partout en ville sans aucun stress », dit Roger Payette. Cet historien retraité de 80 ans se décrit comme « un Montréalais dans l’âme », même s’il habite depuis 38 ans de l’autre côté de la rivière des Prairies, près du métro Cartier, à Laval.
« C’est à regret qu’on a quitté Montréal. On était tannés de payer un loyer et notre capital nous permettait d’acheter à l’extérieur de l’île », explique-t-il.
Lui et sa conjointe fréquentent religieusement les théâtres, les cinémas et les bonnes tables de la métropole. Ils adorent aussi découvrir des « trésors cachés », comme l’avenue De Chateaubriand, qui a l’allure d’une ruelle du début du siècle dernier avec ses beaux lampadaires, dans le Plateau Mont-Royal (et non au nord, dans Villeray ou dans La Petite-Patrie, où c’est une rue ordinaire). Particularité : d’un côté de la ruelle, les maisons affichent leur façade ; de l’autre côté, ce sont les cours arrière.
Apprendre par les pieds
Les ruelles font partie des attraits de la métropole. Paul Lewis, professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, adore parcourir la ville à pied. Notamment pour la photographier.
« Montréal n’est certes pas la plus belle des grandes villes du monde ; il suffit de marcher à Paris ou à Londres pour le comprendre. Mais elle possède un charme indéniable, qui n’a de cesse de nous surprendre », nous écrit-il.
« Le géographe Raoul Blanchard disait que la géographie s’apprend par les pieds. Cela vaut bien sûr pour la ville ; il faut la marcher en tous sens, pour l’apprendre et la comprendre. […] Plus j’y marche, plus la ville me semble intéressante, plus j’y trouve des moments, des lieux de bonheur. Ce sont les rues et les ruelles que j’apprécie le plus, avec les places, les parcs et les bâtiments qui s’y greffent, et les gens qui y marchent, qui sont attablés aux terrasses, qui y font leurs achats, qui y vivent. »
Les Montréalais qui ont beaucoup voyagé, y compris Paul Lewis, soulignent tous la joie qu’ils éprouvent en rentrant à la maison. Il suffit d’aller voir ailleurs pour comprendre que l’herbe est peut-être plus verte chez soi que chez le voisin. De la verdure, en tout cas, Montréal en est tapissée, assure Olivier Rémillard, qui a parcouru le monde.

« On dirait que c’est naturel pour nous, mais en voyageant, on constate à quel point notre ville est un jardin par rapport à d’autres », estime-t-il. Son endroit préféré est bien sûr « la montagne », comme disent les Montréalais.
Ce résident de La Petite-Patrie aime les rythmes de la ville — endiablé pour les festivals, plutôt calme dans les quartiers centraux. Oui, c’est tranquille à Montréal, contrairement à ce que pensent les gens qui n’y ont jamais mis les pieds.
Ce qu’il aime de Montréal ? Les pains de la boulangerie Automne, les lasagnes de chez Conserva, les laitues du marché Jean-Talon. Emmener ses neveux au cinéma en métro. Croiser au hasard des amis ou des personnes qui lui sont chères. « Ça me fait me sentir vraiment “à la maison”. »
Un coup de foudre
Arrivé de Brossard en 2006, Olivier Rémillard « ne voudrait habiter nulle part ailleurs qu’à Montréal ». Il n’est pas le seul à avoir adopté la métropole après avoir grandi en région ou en banlieue.
Née dans les Laurentides, Martine Desroches a vécu « le plus grand coup de foudre de sa vie » en s’installant à Montréal, en 1984. Pour être plus précis, le coup de foudre, c’était un an plus tard, après une période d’adaptation.
« J’aime intensément ma ville, prévient-elle. Montréal, c’est mon épiphanie ! »
Elle change de quartier aux sept ans pour découvrir chaque fois un nouveau visage de la métropole. « Je voyage dans ma ville, je ne suis jamais déçue. J’observe les gens, je respire les commerces et leurs différentes communautés, j’apprécie la nature environnante et sa faune. Je n’ai jamais peur à Montréal, et je la trouve plutôt propre, ma ville, si je la compare à d’autres dans le monde. J’aime ses couleurs, ses fresques murales, ses parcs magnifiques où s’asseoir, respirer, s’émerveiller. »

Sa passion, c’est la culture. Elle évoque ses vacances, consacrées pendant 10 ans au défunt Festival des films du monde, où elle voyait chaque fois plus de films que dans les 25 années précédentes. Elle se souvient du spectacle mémorable de Piazzolla à la Place des Arts au Festival de jazz. Chaque fin de semaine de la fête du Travail, elle remplit son agenda de pièces de théâtre à voir durant l’automne.
Sous le sapin, elle glisse cette année un « magnifique livre de photos de Montréal », ainsi que des billets pour l’Orchestre symphonique de Montréal et pour le Musée des beaux-arts.
L’appel des bagels
Mario Corbeil vit une passion similaire depuis son retour en ville en 2021. Après presque 20 ans en région, il a profité de la pandémie et du télétravail pour revenir vivre dans la métropole. Il a fait le chemin inverse de bien des Montréalais qui ont quitté l’île pour répondre à l’appel de la nature.
« J’avais déjà un peu trop donné dans ce scénario-là, explique-t-il. Non, depuis longtemps, moi je rêvais plutôt de manger des bagels Saint-Viateur, d’aller au cinéma Beaubien ou au Musée des beaux-arts, ou encore d’aller à l’un des nombreux théâtres, véritables institutions de notre société. »

Le père de famille de 61 ans se déplace à vélo. « C’est bon pour l’environnement, bon pour moi, bon pour mon budget ! » La vie en ville le rend heureux, tout simplement. Ce qu’il adore ? Patiner à l’esplanade Tranquille, dans le Quartier des spectacles. Découvrir à pied « l’éclectique » boulevard Saint-Laurent. Faire ses courses au marché Jean-Talon, où il connaît tout le monde. Grimper le mont Royal à pied ou à vélo.
Sa fille de 22 ans, étudiante à l’Université McGill, est sa meilleure guide. Une raison de plus d’apprécier la vie en ville.
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Une version précédente de ce texte a été modifiée: dans la photo représentant une patinoire, il s’agit bien de la patinoire du parc La Fontaine, et non pas de celle du Lac-aux-Castors.