La mère a deux fois plus d’influence que le père sur la langue à laquelle un enfant est exposé

Selon l’étude de l’Université Concorida, la langue parlée par la mère a deux fois plus d’influence sur la «quantité» de langage auquel l’enfant est exposé.
Photo: Alex Linch Getty Images Selon l’étude de l’Université Concorida, la langue parlée par la mère a deux fois plus d’influence sur la «quantité» de langage auquel l’enfant est exposé.

Le choix linguistique de la mère dans une famille bilingue a deux fois plus d’influence sur l’exposition d’un enfant à une langue que le choix du père, révèle une récente étude de l’Université Concordia. Les parents devraient d’ailleurs se concentrer sur le temps durant lequel leur enfant est exposé à une langue plutôt que d’essayer à tout prix d’adopter une stratégie pour la lui transmettre.

Montréal est en quelque sorte le laboratoire parfait pour mener ce type de recherches en raison du nombre important de familles bilingues ou multilingues qui s’y trouve, explique Andrea Sander-Montant, étudiante au doctorat en psychologie à l’Université Concordia et coautrice de l’étude. Son intérêt pour la question vient de loin : elle a grandi au Mexique avec un père hispanophone et une mère francophone.

Mme Sander-Montant et ses collègues Krista Byers-Heinlein et Rébecca Bissonnette se sont notamment intéressées à la populaire approche « un parent, une langue » au sein des familles bilingues, une stratégie recommandée par plusieurs experts et dans la littérature scientifique. « Beaucoup de familles se mettent beaucoup de pression pour utiliser cette stratégie-là », mais il n’y avait pas vraiment de preuve que c’était nécessaire ni que c’était la meilleure stratégie, explique Mme Sander-Montant.

Les mères deux fois plus influentes que les pères

Le premier constat des chercheuses est que la stratégie « un parent, une langue » n’est pas la plus utilisée par les quelque 300 familles montréalaises qui composent l’échantillon sur lequel l’étude est basée, même si c’est l’approche la plus recommandée. « Ça nous dit qu’au final, les familles font ce qu’elles peuvent » et utilisent l’approche avec laquelle elles sont le plus à l’aise.

La méthode « un parent, une langue » est souvent préconisée, car on présume qu’elle mènera à une exposition suffisante aux deux langues des parents, mais la réalité est plus nuancée. L’étude montre que le facteur qui a le plus d’influence sur l’exposition des enfants à une langue n’est pas la stratégie adoptée par les parents, mais plutôt le temps passé par chaque parent avec l’enfant et la langue parlée par chaque parent.

Troisième constat, et non le moindre : la langue parlée par la mère a deux fois plus d’influence sur la « quantité » de langage auquel l’enfant est exposé. Au sein d’une famille dont la mère parle français et le père parle anglais, par exemple, l’enfant sera beaucoup plus exposé au français. Par contre, si seul le père parlait français, l’enfant y serait beaucoup moins exposé. Une hypothèse avancée pour expliquer ce constat est que la mère passe souvent plus de temps avec l’enfant que le père, ce qui augmente l’exposition à la langue qu’elle utilise.

Diminuer la pression

Il y a là matière à réflexion pour les familles. « Pour moi, le plus important est de changer cette perspective selon laquelle le plus important est de suivre une stratégie et de se mettre de la pression pour la suivre », affirme Andrea Sander-Montant. Elle préconise plutôt de se concentrer sur le nombre d’heures d’exposition de l’enfant à chaque langue.

D’ailleurs, insister de façon très stricte pour que l’enfant réponde dans une langue prédéterminée à chaque parent « peut avoir des conséquences défavorables pour l’enfant, car il peut commencer à avoir des réflexes de rejet par rapport à cette langue ».

« C’est mieux d’avoir des interactions très confortables, de bonne qualité et de passer assez de temps avec l’enfant dans chaque langue » que de se forcer à suivre une stratégie stricte de transmission, conclut Mme Sander-Montant.

Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.

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