Réflexions sur l’engagement politique et l’étiquette militante

Je suis militante depuis maintenant quatre ans. Pour certains, cela peut sembler peu, je l’accorde. Mais en quatre ans, j’ai eu le temps de découvrir la réalité du militantisme et de voir la complexité de l’engagement politique, au-delà des slogans et des convictions. Quand on choisit de s’investir dans un parti ou dans un mouvement, on se retrouve instantanément étiqueté : on devient « l’allié des uns », « l’opposant des autres ». Cette étiquette, elle colle à la peau, comme une sorte de certificat d’appartenance.
Ces étiquettes ne sont pas forcément mauvaises en soi. Elles contribuent même à former le bassin militant d’un parti, cette « grande famille » où chacun trouve sa place. Pourtant, comme dans toute famille, il existe des non-dits, des incompréhensions et des tensions. Ces étiquettes ont un pouvoir singulier : elles peuvent devenir des barrières qui limitent l’échange, des cases dans lesquelles on nous enferme sans nous donner la chance d’exister au-delà des idées préconçues.
Quand je parle d’étiquette militante, je ne remets pas en cause le besoin d’avoir des idéaux et des valeurs propres. Je ne nie pas non plus la beauté du militantisme, cette passion commune qui rassemble des personnes autour de causes partagées. Mais j’observe que, bien souvent, ces étiquettes finissent par figer les interactions et empêcher les dialogues plus ouverts. Combien de fois a-t-on hésité à parler avec un militant d’un autre parti par crainte d’être mal perçu ou de ne pas être compris ?
Au début, j’étais moi-même tentée de réduire les autres à leurs convictions politiques. Je peinais à comprendre comment on pourrait un jour militer ensemble malgré nos désaccords. Comment des personnes avec des visions si différentes pourraient-elles unir leurs forces dans l’espace politique ? N’était-ce pas en contradiction avec les principes mêmes de l’engagement ?
Mais, avec le temps, j’ai découvert qu’au-delà de leurs divergences, ceux-ci partageaient des motivations sincères, des valeurs profondément ancrées, des idées chères pour lesquelles chacun s’engageait.
Les gens qui s’impliquent en politique le font souvent pour répondre à des préoccupations réelles, pour apporter des solutions à des problèmes qui les touchent directement. Et je suis convaincue qu’au-delà de leurs étiquettes, on pourrait trouver bien plus de points communs qu’on ne le pense entre ces personnes. Que se passerait-il si, au lieu de nous définir uniquement par nos divergences, nous choisissions de construire sur ce qui nous rassemble ? Si nous laissions de côté, ne serait-ce qu’un instant, les conflits de partis pour reconnaître la part d’humanité et de sincérité qui existe dans chaque engagement politique ?
Évidemment, je ne me fais pas d’illusions : nous ne vivons pas dans un monde de contes de fées où tout le monde s’entendrait à merveille. Et c’est tant mieux ! Les débats et les différences d’opinions enrichissent notre démocratie. Ce qui me dépasse, cependant, c’est la haine et la méfiance qui se transmettent d’un parti à l’autre, souvent sans fondement. Cette hostilité m’épuise, me démotive parfois. Qui mieux qu’un autre militant peut comprendre ce que signifie défendre une cause qui nous tient à coeur ? Et pourtant, la haine persiste, étouffant parfois jusqu’à notre capacité à dialoguer, à construire ensemble.
Ce que je souhaite, ce n’est pas un monde où l’on gommerait nos différences, mais un espace politique où l’on pourrait envisager ces différences comme des richesses. Car au fond, militer, c’est avant tout porter une vision de l’avenir, contribuer à bâtir un projet commun. Mais si nos étiquettes militantes nous divisent au point de nous isoler, nous risquons de perdre cette capacité à transformer nos idéaux en actions collectives. En tant que jeunes engagés, nous avons une responsabilité : celle de laisser tomber les étiquettes, de regarder au-delà des affiliations pour voir l’autre, simplement, comme une personne qui, elle aussi, espère un monde meilleur.
Alors, aujourd’hui, j’écris ceci pour inviter chaque militant à repenser la manière dont nous nous percevons les uns les autres. À ne pas laisser nos étiquettes dicter nos relations et à saisir chaque occasion de construire des ponts là où, jusque-là, on a dressé des murs. C’est un appel à l’ouverture, à la bienveillance et, surtout, à la collaboration. Car si l’étiquette militante nous divise, elle entrave aussi notre capacité à rassembler, à rêver ensemble et, surtout, à agir pour demain.
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