Compressions au Musée de la civilisation de Québec

Sous pression financière, le Musée de la civilisation de Québec a mis à pied neuf personnes cette semaine en plus de revoir toute sa programmation à venir.
Photo: Renaud Philippe Archives Le Devoir Sous pression financière, le Musée de la civilisation de Québec a mis à pied neuf personnes cette semaine en plus de revoir toute sa programmation à venir.

Le Musée de la civilisation de Québec (MCQ) est sous pression financière. Il veut diminuer son budget 2025-2026 de 2 millions de dollars. Neuf personnes ont été mises à pied jeudi, certaines immédiatement ; huit contrats ne seront pas renouvelés fin mars. S’ajoutent quatre réaffectations et trois réductions d’horaire. Au total : 24 employés touchés. De plus, le MCQ a revu toute sa programmation à venir. L’automne dernier, il avait déjà mis sur pause le développement des projets d’itinérance des expositions — un autre poste en moins.

L’institution, longtemps le fleuron et le représentant à l’international de la muséologie québécoise, est-elle en train de perdre ses ailes ?

« Nos travailleurs du Musée nous disent depuis longtemps que leur charge est lourde », indique Norman Paradis, président régional du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, qui représente le personnel technique, ouvrier et administratif du MCQ. « Ils ont la broue dans le toupet, pis là on vient d’en couper 10 %. Il y a un montage d’exposition présentement au musée », continue M. Paradis. C’est celui d’Ados : cerveaux inventifs, une production du Musée de l’ingéniosité J. Armand Bombardier, qui sera inaugurée le 26 février. « C’est sûr que le Musée va devoir mettre les employés restants en surcharge… »

Au Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, ce sont 8 % des employés représentés qui ont perdu leur emploi. Des postes de conservatrice, d’agent d’information, de chargé de projet numérique, de chargée de projets d’exposition, de régisseur, de spécialiste en sciences de l’éducation.

« Trois personnes perdent leurs contrats », explique le président du syndicat, Guillaume Bouvrette. Tous des occasionnels dont l’embauche était renouvelée jusqu’à maintenant quasi automatiquement, année après année. L’un de ceux-là travaillait au MCQ depuis sept ans.

Deux personnes sont transférées au Musée national d’histoire du Québec (MNHQ), et un employé à temps complet passe à trois jours par semaine.

« C’est la perte d’expertise qui est choquante, souligne M. Bouvrette. D’un côté, on a créé le MNHQ, une structure qui va entraîner des coûts, et qui va avoir besoin de grandes compétences ; de l’autre, on coupe au MCQ. »

Des expos remplacées

« Nos mesures de contrôle de dépenses n’impliquent pas uniquement la masse salariale », précise Anne-Sophie Desmeules, relationniste du MCQ.

C’est pour répondre aux restrictions budgétaires que le gouvernement impose aux musées comme aux ministères que le MCQ doit poser ces actions. Particulièrement pour respecter les « cibles pour les heures rémunérées ». Selon son dernier rapport annuel, au 30 mars 2024, le MCQ dépassait ces cibles de l’équivalent de 16 postes à temps complet. Avant les coupes annoncées jeudi, le MCQ comptait 276 employés.

Le MCQ a aussi révisé sa programmation et modifié des projets « sur le plan des contenus élaborés et des échéanciers, de façon à réduire les coûts ». « D’autres projets un peu plus coûteux qui étaient en discussion ont été remplacés par d’autres projets d’exposition, qui demeureront à la hauteur des standards du MCQ », précise encore Mme Desmeules.

L’automne dernier, déjà, le pôle de rayonnement international avait été taillé plus serré. « Nous avons réorganisé ce secteur d’activité par souci d’efficience et mis sur pause le développement des projets d’itinérance des expositions pour une période indéterminée, dit-elle. Tous ces employés ont été réaffectés au sein de l’organisation. Nous avons supprimé un poste au sein du personnel d’encadrement. Le Musée poursuit ses activités de rayonnement à l’intérieur de cette réorganisation. »

« Ce plan a été amorcé pendant que Stéphan La Roche était en poste, il a été documenté pendant l’intérim de Louis-Yves Nolin et finalisé au cours des dernières semaines par Julie Lemieux [arrivée le 9 décembre dernier] », continue Mme Desmeules.

Le MCQ dit aussi réagir à « des pressions externes ». Lesquelles ? « La révision des enveloppes de soutien au fonctionnement pour les exercices 2024-2025 et 2025-2026 », communiquée à l’avance au MCQ, comme le gouvernement peut choisir de le faire.

Rappelons qu’en décembre dernier, la Ville de Québec a mis fin à un financement annuel de 1 million de dollars pour aider, en parts égales, le Musée de la civilisation et le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) à accueillir des expositions internationales d’envergure.

Finalement, l’accroissement des coûts liés à l’inflation fait également partie des facteurs qui resserrent la bourse du MCQ.

« Le Musée de la civilisation est une institution profondément humaine et ces décisions ne se prennent pas à la légère », assure Mme Desmeules. « Nous continuerons à déployer tous les efforts nécessaires afin de limiter les impacts sur nos ressources humaines. Nous mettrons aussi tout en place pour que ces mesures n’aient pas d’impact sur l’expérience du visiteur. »

Dans les musées, la colonne des coûts explose

L’accroissement des coûts, à cause de l’inflation, est une réalité qui touche grandement tous les musées du Québec ces temps-ci, précise Stéphane Chagnon, directeur général de la Société des musées du Québec.

Ce dernier peut lister les dépenses concernées par cœur : « Le coût de production des expos a explosé — les matériaux sont plus coûteux, les honoraires sont accrus ; celui des assurances commerciales, civiles et pour les administrateurs et dirigeants, qui, à certains endroits, a doublé et triplé ; ceux des services d’entretien des bâtiments, électricité, chauffage ; de la cybersécurité ; de la comptabilité et les audits des états financiers vérifiés… »

« Les coûts supplémentaires pour réaliser des expositions écoresponsables, ce qui est une nouvelle exigence et une responsabilité, continue-t-il au téléphone, aussi, les salaires, les taxes municipales, le transport des œuvres d’art en région. »

Plusieurs musées, centres d’exposition et lieux d’interprétation vont terminer l’année financière 2024-2025 avec des déficits, prédit M. Chagnon.

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